Le REARE est en deuil

Fondatrice du Réseau Euro-Africain de Recherches sur les Épopées, Lilyan Fongang-Kesteloot est décédée à Paris le 28 février 2018.
 

Lilyan Kesteloot

Née à Bruxelles en 1931, elle avait vécu sa jeunesse au Congo alors belge avant de revenir dans son pays de naissance pour ses études supérieures : licence de philologie romane à Louvain, puis, en 1961, doctorat à l’Université libre de Bruxelles avec une thèse sur Les écrivains noirs de langue française : naissance d'une littérature, publiée en 1963.

Dès 1961 elle retourne en Afrique sous l’égide de l’UNESCO comme professeur pour l’ouverture de l’École Normale Supérieure de Yaoundé, au Cameroun. Elle enseignera aussi aux Écoles Normales Supérieures du Mali et de Côte d’Ivoire. En 1971, elle accepte l’invitation de Léopold Sédar Senghor à venir enseigner à la Faculté des Lettres de l’Université de Dakar. C’est là qu’elle va désormais exercer, comme Professeur et Directrice de Recherches à l’Institut Fondamental d’Afrique Noire, prenant encore le temps, en 1975, de soutenir sur travaux (11 volumes) une thèse d’État ès Lettres, Études sur la littérature africaine francophone et traditionnelle, à l’Université de Paris III – Sorbonne Nouvelle. Elle partage désormais son temps entre Dakar et l’Université Cheikh Anta Diop d’une part, et d’une autre Paris où elle enseigne aussi à Paris IV – Sorbonne.

C’est à Dakar qu’elle déploie son activité de recherche, fidèle héritière d’Amadou Hampâté Bâ avec qui elle s’était liée notamment lors de ses séjours en Côte d’Ivoire. Elle se consacre inlassablement à la conservation des traditions orales africaines, à la fois par ses travaux personnels, mais aussi en dirigeant quantité de maîtrises et de thèses destinées à enregistrer, transcrire, traduire et faire connaître le plus grand nombre possible de textes traditionnels, épopées, contes, etc., non seulement au Sénégal, mais plus généralement dans toute l’Afrique francophone, constituant une importante sonothèque qu’elle mettait au service de ses étudiants, et publiant un grand nombre d’ouvrages. Elle a formé un nombre considérable de chercheurs et d’enseignants, et une grande partie des professeurs d’Université en littératures orales de la sous-région ont été ses élèves.

Vers 1993-1994, lors de ses séjours en France, elle participe aux réunions mensuelles du groupe que François Suard réunit à l’Université de Paris X – Nanterre autour des recherches sur la chanson de geste. C’est dans ce cadre qu’elle conçoit l’idée du séminaire qui se tiendra à Dakar en novembre 2000 et qui constituera, à son initiative, l’acte de naissance du REARE. Qu’elle y ait été présente ou non, tous les congrès suivants se sont déroulés sous son égide, même si, malgré l’importance de ses travaux et son énergie d’animatrice, elle a toujours voulu éviter de se mettre en lumière. Elle était la première à faire sauter ses interventions lors des rencontres scientifiques pour laisser la place aux autres, quitte ensuite à revoir sérieusement leurs textes avec eux en vue de la publication. Sa modestie et sa science n’avaient d’égale que sa générosité, dont on pourrait donner de multiples exemples. C’est en reconnaissance de ces qualités que, bien qu’elle n’ait jamais souhaité appartenir à son équipe dirigeante, les membres du réseau réunis à Arras en 2006 lui ont décerné le titre de présidente d’honneur. Un nouvel et important hommage lui sera rendu à Strasbourg en 2012 à l’occasion du sixième congrès avec la remise de son volume de Mélanges dirigé par Abdoulaye Keïta, et publié l’année suivante à Paris aux éditions Karthala avec l’aide de l’IFAN sous le titre Au carrefour des littératures Afrique-Europe. Ce titre disait à lui seul la double et pleine appartenance de Lilyan Fongang-Kesteloot à ces deux continents.

À sa famille et à tous ses proches, le REARE adresse ses plus sincères condoléances.
 
Quelques titres de ses ouvrages :
La prise de Dionkoloni, épisode de l’épopée bambara raconté par Sissoko Kabiné recueilli par Lilyan Kesteloot, édité par Gérard Dumestre et Lilyan Kesteloot avec la collaboration de J.-B. Traoré, Paris, Armand Colin, « Classiques africains », 1975
Lilyan Kesteloot, Anthologie négro-africaine. Histoire des textes de 1918 à nos jours, Vanves, Edicef, 1992.
L’épopée bambara de Ségou, recueillie et traduite par Lilyan Kesteloot avec la collaboration d’Amadou Traoré, Jean-Baptiste Traoré, Amadou Hampâté Bâ, Paris, L’Harmattan, 2 vol., 1993
Lilyan Kesteloot et Bassirou Dieng, Les épopées d’Afrique noire, préface de François Suard, Paris, Karthala-Unesco, 1997
Lilyan Kesteloot, Contes, fables et récits du Sénégal, Paris, Karthala, 2006
Lilyan Kesteloot et Chérif Mbodj, Contes et mythes wolof, Dakar, IFAN, 2006