Il y a cinq ans, Bassirou Dieng
Bassirou Dieng nous a quittés il y a cinq ans, dans la nuit du 23 au 24 décembre 2016. Il venait de participer trois mois plus tôt au 7e Congrès du REARE, association savante euro-africaine dont il avait assuré la vice-présidence pendant seize années, et se préparait à prendre une retraite bien méritée.
C’est d’abord un chercheur d’exception dont je veux rappeler la mémoire, en mentionnant simplement trois titres : d’abord Les Épopées d’Afrique noire, 1997, anthologie fondamentale composée et présentée en collaboration avec Lilyan Kesteloot ; mais aussi L’Épopée du Kajoor, 1993, et Société wolof et discours du pouvoir. Analyse des récits épiques du Kajoor, 2008, deux volumes essentiels consacrés aux traditions orales du Sénégal, le premier où il publiait treize récits recueillis auprès de deux griots, qu’il avait transcrits, traduits et présentés ; et le second où il faisait la synthèse de sa pensée à leur propos. Il était en effet particulièrement attaché à décrypter les enjeux politiques portés par les récits des traditionnistes, et c’était souvent dans cette perspective qu’il intervenait dans nos rencontres.
Bassirou était aussi un animateur particulièrement dynamique, à l’origine de multiples projets. Je n’en évoquerai qu’un, pour y avoir été associé de loin en tant que relecteur, celui concernant les épopées islamiques de l’Afrique de l’Ouest, qui a depuis donné lieu à diverses publications. Il avait à ce sujet une vision très claire et très ferme à la fois de ce qui était souhaitable et de ce qui était possible, et il savait conduire les choses à leur terme. Les travaux qu’il a suscités et fait aboutir sont innombrables, et permettent de disposer aujourd’hui d’un corpus abondant de textes et d’enregistrements.
Le REARE lui doit beaucoup. J’ai pu, au cours de dix ans d’une trop longue présidence, apprécier ses conseils, tirer profit de ses explications, mieux comprendre à son contact ce qui était en jeu dans les épopées orales africaines. Je garde le souvenir vivant des rencontres qu’il a organisées et de l’accueil qu’il nous y a réservé.
Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans le Sein de la Femme,
Ils sont dans l’Enfant qui vagit
Et dans le Tison qui s’enflamme.
Les morts ne sont pas sous la Terre :
Ils sont dans le Feu qui s’éteint,
Ils sont dans les Herbes qui pleurent,
Ils sont dans le Rocher qui geint,
Ils sont dans la Forêt, ils sont dans la Demeure,
Les Morts ne sont pas morts.
Birago Diop, Souffles
Bassirou est toujours pami nous.